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La gamme de Do thérapeutique

La gamme de Do thérapeutique

Ceux qui suivent ce blog savent que j’ai souffert pendant plusieurs années d’une blessure assez handicapante à cause du piano. Ceux qui veulent lire mon histoire peuvent le faire ici .

On peut être blessé avec douleur ou sans douleur selon le type de blessure. Dans mon cas, il y avait de la douleur et elle était très irritante car modérée mais toujours présente. Parfois elle augmentait en intensité en fonction de mon niveau de stress, de mon état émotionnel ou des activités du jour.

J’ai donc passé de nombreuses années avec cette douleur. Pour être franche, ce qui me faisait le plus mal n’était pas mon corps, mais le fait de ne pas être capable de jouer ou de ne pas pouvoir jouer correctement à cause de cela. La douleur n’était que le symptôme du blocage et la restriction du mouvement que subissait mon bras m’empêchait de m’exprimer à travers le piano. C’était mon véritable obstacle. Les dommages n’étaient pas seulement physiques, mais aussi émotionnels, affectant mon sens de l’identité en tant que musicienne et en tant que personne.

Je suis donc arrivée à un point où j’avais peur de m’asseoir au piano: l’instrument que j’ai tant aimé mais qui m’avait causé tant de douleur.

En commencent ma rééducation avec une professeure de piano spécialisée dans l’Approche Taubman, tout a commencé à s’améliorer.

J’ai immédiatement vu que cette professeure (contrairement à d’autres personnes à qui j’avais demandé) pourrait m’aider. Elle semblait avoir une compréhension des mouvements appliqués au piano qui m’avait échappé jusque-là, que je n’avais pas trouvé chez quelqu’un d’autre. Avoir cette personne à mes côtés et avoir suivi ses instructions m’ont apporté la sensation de sécurité dont j’avais besoin pour explorer mes mouvements à nouveau sans cette crainte de la douleur.

Les premiers cours ont été très révélateurs, car je n’avais pas de gêne durant le temps que je passais sous sa direction. En fait, je ne ressentais rien. C’était étrange. Pour être plus précise, la douleur ne partait pas de manier définitive, mais je ne sentais rien «de plus » en jouant pendant ses cours. Une absence de « la sensation physique » qui accompagnait ma façon de sentir le piano en jouant. C’était comme jouer en ayant enlevé un grand poids sur mes épaules. C’est la «sensation de ne pas avoir de sensation» dont parle Therese Milanovic dans cet article en racontant sa propre expérience. Cela m’a fait penser que d’une certaine manière, j’étais accroc à la tension physique en jouant, comme un moyen de me sentir moi-même jouer et c’est pourquoi il est si difficile d’en sortir.

Dans l’Approche Taubman, les mouvements nécessaires pour jouer le piano sont enseignés en utilisant comme modèle la gamme de do majeur. Ceci est fait seulement au début, puis on passe à mettre en œuvre le plus tôt possible ces mouvements dans des morceaux du répertoire. Mais on revient toujours à la gamme comme référence pour mieux comprendre les mouvements. Et c’est un très bon modèle car cette gamme est composée uniquement de touches blanches, ce qui fait qu’on voit très clairement tous les défauts et les problèmes techniques. Et par conséquent, en apprenant à bien la jouer, on va résoudre tous ces problèmes.

On apprend les mouvements de rotation, les mouvements de tiroir (entrée et sortie du bras) et des gestes en arc. Tout est intimement lié, de telle sorte que chaque mouvement contribue à mieux coordonner tous les autres.

La gamme de Do

Si nous pensons en plans de mouvement, nous pouvons dire qu’avec les mouvements de rotation on apprend à se déplacer sur le clavier dans le plan frontal (de gauche à droite et vice-versa), avec les mouvements tiroir dans le plan transversal (la profondeur, de l’avant à l’arrière et vice-versa) et avec les gestes en arc le plan sagittal (de haut en bas et vice-versa) est ajouté. La combinaison de tous ces éléments forme un sorte« de gamme en trois dimensions » qui fournit tous les degrés de liberté de mouvement.

Comme ma façon de bouger était sévèrement limitée en raison de ma blessure et de la tension que je devais supporter, apprendre correctement chaque mouvement a été un processus long et laborieux.

A chaque fois, je continuais à étudier avec mes capacités et à mon rythme. Petit à petit, j’ai trouvé des moments où la douleur était adoucie, où j’étais plus relâchée. Finalement, avec le temps, il est devenu clair que la douleur se dissipait complétement dans mon bras et mon épaule, parfois pendant quelques minutes, parfois pendant quelques heures. Mais elle revenait après et cela m’a fait perdre l’espoir de me rétablir juste au moment où la situation était vraiment en train de s’améliorer.

À ce stade, je tiens à souligner à quel point il était stupide d’ajouter cette souffrance inutile à mon rétablissement.

Je ne le vivais pas comme un processus composé de hauts et de bas. J’étais tellement identifiée avec chaque état que je traversais que je me sentais comme dans une montagne russe. Quand j’avais de la douleur je me sentais triste et quand elle disparaissait, j’étais soulagée et retrouvais de l’espoir. Je pensais qu’un jour mon problème serait résolu en un « clic » et je l’attendais avec impatience.

Ça a été un processus d’apprentissage de me relaxer et d’accepter cette montagne russe de douleur et de soulagement comme elle venait.

Et au milieu de tout cela, je continuais à travailler.

Après un certain temps, ce que j’avais appris a été consolidé et la bonne coordination n’était plus si étrange pour moi (curieusement le mouvement naturel peut sembler étrange et le mauvais mouvement peut sembler naturel, ce que M. Alexander appelait « Perception sensorielle erronée de soi », au sujet duquel je veux écrire une prochaine fois).

Voilà comment j’ai compris que la gamme de do que ma professeure m’avait apprise avait eu pour moi des effets thérapeutiques, même si j’étais encore loin de la maîtriser:

Je me souviens d’un jour où j’ai eu un cours de piano avec ma professeure, après avoir passé deux semaines avec en permanence de la douleur et de la tension qui reprenaient de l’intensité. C’était un cours par vidéoconférence. Je me suis assise au piano en face de l’ordinateur et j’ai essayé de lui expliquer comment je me sentais: que j’avais essayé de jouer, d’étudier et de me débarrasser de la douleur de différentes manières, y compris avec des exercices de relaxation mais sans succès. Elle m’a guidé une fois de plus par ces mouvements de la gamme et je me suis laissée guider. Et à la fin de mon cours je ne sentais plus aucune douleur.

Ce fut le jour où je pris conscience des effets thérapeutiques des mouvements de la gamme de do majeur, que c’est une conséquence du mouvement correct et coordonné. Chaque fois que la douleur retournait, j’entrais dans un cercle vicieux. L’ensemble de toutes les habitudes qui m’avaient conduite à la blessure me tiraillait à nouveau : la tension, la douleur, le blocage, le manque d’espace pour penser et bouger, etc. Mais travailler cette gamme était le moyen de sortir de ce cercle.

Depuis lors, chaque fois que la douleur retournait il était plus facile pour moi de quitter le cercle, et à chaque fois pour une durée plus longue. Puis vint le jour où je ne me souvenais pas quand j’avais eu de la douleur pour la dernière fois. J’étais donc guérie.

Et ils osent dire que l’étude des gammes n’a pas d’avantages!

Foto de portada: Hillary Boles
La position des poignets - Liszt

La position des poignets au piano

Il ne fait aucun doute que la position du poignet est un aspect très important de la pratique du piano.

Une utilisation sensible des poignets ajoute de l’expression à nos mains, à nos gestes. C’est également le cas au piano. Mais les poignets jouent aussi un autre rôle très important qui est de donner de la stabilité aux doigts afin qu’ils puissent se déplacer librement.

Mais avant d’entrer dans les détails, je vous ai préparé une sélection d’images de quelques pianistes (plus ou moins au hasard) pour comparer la position de leurs poignets:

Je ne voulais pas que cette sélection d’exemples soit une succession d’images statiques. La position des poignets sur le piano change constamment. La technique doit être pensée en mouvement. Par conséquent, toute personne qui le souhaite peut suivre le lien de l’une des images pour regarder le jeu du pianiste en vidéo. Et pendant qu’on y est, peut-être pour essayer d’analyser comment leurs poignets se comportent.

La position neutre

La grande majorité des pianistes jouent en ajustant la position des poignets à chaque situation ou texture musicale. Par exemple, le poignet se soulève plus pour jouer des octaves ou des accords larges que pour jouer des notes individuelles. (Ceci est utile parce que la flexion du poignet fonctionne en synergie avec l’extension des doigts).

Cependant, il y a une position de base qui revient toujours, c’est la position neutre.

Cela peut sembler assez clair, mais au cours de mes études j’ai reçu des recommandations très contradictoires en ce qui concerne la position de base des poignets, qui ont même parfois été nuisibles. Je ne pense pas être la seule, d’où ma motivation pour le partage de ces informations.

Position neutre au repos.

La position neutre peut être observée lorsqu’on laisse reposer les bras de chaque côté du corps. Le dos des mains forme une ligne droite avec l’avant-bras et la main est correctement alignée. Cette position d’effort minimum permet une utilisation plus équilibrée des muscles fléchisseurs et extenseurs de l’avant-bras et soutient les mouvements corrects des doigts pour jouer le piano.

(Je tiens à souligner rapidement qu’il est important de s’asseoir à la bonne hauteur pour maintenir cette position au piano).

Pour apprendre à jouer en faisant bon usage des poignets, la première chose est d’expérimenter le confort de jouer avec chaque doigt en gardant vos poignets dans une position neutre. (Pour l’apprendre, il faut toujours être guidé par un professeur). Plus tard, on apprend aussi les gestes du bras, si caractéristiques de la technique de piano, qui mobilisent les poignets et nous donnent de l’expressivité.

Les gestures en arc

Lors des mouvements, les poignets exécutent ce que certains pianistes appellent des « cercles du poignet » ou même des « rotations du poignet ». Ces termes sont discutables. Puisque comme le dit Tobias Matthay (tel que cité dans Chiantore 2001, p. 651), il semble important d’avoir une carte correcte du corps pour différencier le mouvement de la partie qui le produit, je préfère les appeler des gestes d’avant-bras en arc. C’est une distinction subtile, mais plutôt que des cercles, ce sont des arcs englobant une série de notes dans un geste, non pas effectués à partir du poignet mais de l’avant-bras.

Le poignet n’est pas un muscle. C’est une articulation. En fait, c’est une structure de plusieurs articulations. Par conséquent, le mouvement ne démarre pas du poignet, c’est une conception inexacte du point de vue morphologique. Le mouvement commence à partir de l’avant-bras, et parfois ce mouvement se manifeste dans le poignet, mais cela ne signifie pas que le pianiste bouge les poignets. Ceci est l’un des paradoxes des « octaves du poignet » (Stannard, 2014).

L’amplitude de mouvement des poignets ne doit pas dépasser la gamme moyenne. Autrement dit, les gestes ne doivent pas amener les poignets ni trop haut ni trop bas. Tout mouvement dans la gamme extrême d’une articulation devient plus lent et plus difficile. En outre, le poignet est comme un goulot d’étranglement, où passent plusieurs tendons et le nerf médian. En s’éloignant de la gamme moyenne, il se produit des frictions qui peuvent être très dommageables au fil du temps et de la répétition.

J’ai dit que les poignets doivent assurer la stabilité aux doigts. Des poignets trop détendus donnent des doigts trop tendus. Ce principe est anatomique. Pour qu’une partie du corps se déplace librement, il en faut une autre qui assure la stabilité. Par conséquent, prendre à la lettre les conseils de détendre les poignets peut être contre-productif. L’assouplissement des poignets est le résultat de l’alignement et de la coordination. Ce n’est pas la cause, c’est la conséquence.

Les exceptions

Pour en revenir aux images de tous ces pianistes, nous avons vu que les poignets respirent avec la musique, font des arcs dans l’air, des vibrations, mais toujours en revenant à la position neutre. On peut dire qu’ils y restent la plupart du temps.

Sur les 60 pianistes que j’ai sélectionné, seuls deux ne reviennent pas à cette position de neutralité quand ils jouent. Ivo Pogorelich est l’un d’entre eux. Son image est la première de la ligne 7.

Ivo Pogorelich

Il y a une vidéo qui attire vraiment mon attention, où apparaissent Pogorelich et Aliza Kezeradze, son professeur et épouse bien aimée. La vidéo est en anglais et croate, avec des sous-titres anglais. C’est un peu tiré par les cheveux, mais ça peut nous aider à comprendre pourquoi Pogorelich joue avec les poignets si bas.

A partir de 4 :32 Kezeradze dit qu’avant de le rencontrer ses mains étant toujours très tendues, et elle explique:

4:32. Ses mains ne sont pas encore réglées.  C’est la maladie de tous les pianistes au début.

4:41. La main est toujours tendue et ne devrait pas l’être. Elle doit toujours être libre.

4:48. Liszt disait, « le pianiste devrait voir un pli ici tout le temps » (pointant le dos de son poignet).

4:58. Ce sont les bases. Le bras complètement libre, sans un gramme de poids.

5:04. Toute la force est dans les doigts. Dans les muscles des doigts (en faisant une main de griffe).

Kezeradze lui a donc enseigné expressément cette position avec des poignets aussi bas. Elle exerça une grande influence sur sa vie, il est donc très possible que ce soit l’une des raisons de sa technique particulière.

Etant une héritière de la tradition Liszt-Ziloti, son assertion que selon Liszt les poignets doivent rester avec ce degré d’extension est assez surprenant pour moi. Comme je le sais (Chiantore, 2001 et Davison, 2006), Liszt s’asseyait assez haut, tiré vers l’arrière, et avec les poignets hauts. Il utilisait principalement dans sa technique l’attaque de poignet avec « main morte ». (Si quelqu’un sait pourquoi Kezeradze parle de cela, n’hésitez pas à m’écrire dans les commentaires).

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Franz Liszt, couverture de ”The Graphic”, (1886).

Quoi qu’il en soit, aucune des deux options n’est saine pour la technique, poignets hauts ou bas.

Ce que dit la recherche

Il est intéressant (et en rapport avec ce sujet) que la position neutre du poignet est acceptée à l’unanimité dans le domaine de l’ergonomie pour l’utilisation du clavier et de la souris. Il existe de nombreuses études qui l’avalisent (Karwowski, 2006, p. 1395).

Dans le domaine du piano et de la prévention des blessures, il reste encore beaucoup de recherches à faire, mais j’ai trouvé cette étude sur les pianistes, précisément par rapport à la position du poignet : Wrist Positioning and Muscle Activities in the Wrist Extensor and Flexor During Piano Playing

La conclusion de l’étude dit ceci :

“La position neutre du poignet doit être recommandée pour réduire la surcharge musculo-squelettique pendant la pratique du piano”.

Donc, si cette technique est si mauvaise, pourquoi Pogorelich n’a pas été blessé?

Parce que selon Lister-Sink (2016) c’est un peu comme avec les fumeurs. Tous les fumeurs ne sont pas malades des poumons, mais il y a une corrélation directe entre la consommation du tabac et le cancer du poumon. De même, il existe une corrélation entre un mauvais alignement et le stress des articulations et des blessures au piano.

Je ne voudrais pas être mal comprise. Pogorelich est un grand pianiste que j’admire beaucoup. Il est un des grands pianistes de notre temps, peut-être un génie comme l’a dit Martha Argerich. Mais si un pianiste brise certaines règles et joue bien, cela ne signifie pas qu’il est nécessairement juste de faire la même chose que lui.

Ce n’est pas non plus raisonnable de nier les avantages surprenants que peut fournir une approche ergonomique et saine de la technique du piano, qui utilise le corps en accord avec son fonctionnement et non contre (Stannard, 2014).

Références:

Chiantore, L. (2001). “Historia de la técnica pianística”. Alianza Música.

Conable, B., Likar, A. (2009).“Move Well Avoid Injury: What Everyone Needs to Know About the Body”. (DVD). GIA Publications.

Davison, A. (2006). “Franz Liszt and the Development of 19th-Century Pianism: A Re-Reading of the Evidence”.  The Musical Times. Vol. 147, No. 1896 (Autumn, 2006), pp. 33-43.

Karwowski, W. (ed). (2006). ”International Encyclopedia of Ergonomics and Human Factors”. Volume 1. Second Edition. Taylor & Francis.

Lister-Sink, B. (2016). “FAQs | Pianists & The Lister-Sink Method for Injury Preventive Piano Technique”. The Lister-Sink Institute. Lewisville. From: https://www.lister-sinkinstitute.org/faq_questions.html

Mark, T. (2003). “What Every Pianist Needs To Know About The Body”. (A manual for players of keyboard instruments: piano, organ, digital keyboard, harpsichord, clavichord). Chicago, GIA Publications.

Mark, T. (2003). “What Every Pianist Needs To Know About The Body”. (DVD). Chicago, GIA Publications.

Oikawa N., Tsubota S., Chikenji T., Chin G., Aoki M. (2011). “Wrist positioning and muscle activities in the wrist extensor and flexor during piano playing”. Hong Kong Journal of Occupational Therapy, Volume 21, Issue 1, June 2011, Pages 41-46, ISSN 1569-1861. (http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S156918611100009X)

Pascarelli, E., Quilter D. (1994). « Repetitive Strain Injury: A Compter User’s Guide ». Wiley (February 15, 1994).

Putz-Anderson, V. (1988). “Cumulative. Trauma Disorder: A Manual for Musculoskeletal Diseases of the Upper Limbs”. Taylor & Francis.

Stannard, N. (2014). “Piano Technique Demystified. Insights into Problem Solving”. 2° Ed. Create Space.

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Les grands pianistes aussi se blessent

Il y a quelques semaines, le célèbre pianiste Lang Lang a publié une déclaration sur les réseaux sociaux dans laquelle il explique pourquoi il a décidé d’annuler toutes ses activités pour une période d’un mois et demi. Voici sa déclaration:

« Lang Lang a le regret d’annoncer qu’il est contraint d’annuler ses performances jusqu’à fin juin en raison d’une inflammation dans son bras gauche. Sous recommandation de son médecin, Lang Lang prendra ce temps pour se reposer et permettre à son bras de guérir, afin de faire un rétablissement complet « .

Quelques jours plus tard, il a posté une vidéo sur son compte Facebook dans lequel il explique qu’il commence un traitement de récupération en Europe avec un grand médecin, et qu’il se sent très optimiste et impatient de commencer.

J’ai été surpris de voir que Lang Lang avait décidé de rendre public la raison de ces annulations. Pour moi, c’est un vrai geste d’humanité, de force et de caractère.

J’espère qu’il se rétablira complètement durant cette période de repos et qu’il pourra ensuite reprendre  son rythme habituel de concerts et spectacles.

Un risque élevé pour les musiciens

Malheureusement, les blessures sont fréquentes chez les musiciens. Les statistiques parlent: 60% -80% des musiciens développent un genre de blessure lié à son instrument au cours de sa vie. En outre, il convient de noter que ces statistiques ne tiennent généralement pas en compte les musiciens qui ont justement renoncé à leur carrière ou à leur profession à cause d’une blessure.

Le risque est élevé, et les blessures affectent les musiciens de toutes sortes: les professionnels et amateurs, pianistes célèbres et étudiants. La cause commune: jouer d’un instrument.

Les blessures sont un sujet tabou et les musiciens en général n’aiment pas en parler. Pour les musiciens de concert, il peut y avoir de nombreuses pressions en jeu. Qui oserait embaucher un musicien s’il y a un risque d’annulation? Parler de sa blessure peut indéniablement créer un stigmate.

Pour reprendre les mots du pianiste Gary Graffman:

« Les problèmes des mains des instrumentistes, ainsi que les maladies sociales, sont inavouables. C’est compréhensible: Pour un interprète qui est encore en activité ou qui espère revenir bientôt à la scène, il serait fou d’annoncer son handicap. Personne ne veut d’un pianiste blessé quand il y a une offre abondante de pianistes en bonne santé. Admettre ses difficultés est comme sauter, sanguinolent, dans des eaux pleines de piranhas ».

Avec un tel scénario, la décision de Lang Lang de rendre public son état me semble admirable. D’autant plus quand on sait que tant de jeunes pianistes du monde entier ont les yeux rivés sur lui.

Son message contribue à sensibiliser aux troubles musculo-squelettiques et à rappeler comment ceux-ci peuvent affecter n’importe quel musicien.

Le manque de sensibilisation aux blessures

En général, même de nos jours, il y a un manque manifeste de compréhension et de sensibilisation au problème des blessures chez les musiciens.

On ne comprend pas bien les causes qui les provoquent (on parle plus de syndrome de surmenage que de mauvais usages). On ne sait pas reconnaître les premiers signes qui peuvent les déclencher.

Il y a peu de formation et de préparation aux principes anatomiques et biomécaniques qui accompagnent une technique saine. Savoir comment jouer pour le corps et non contre lui.

En raison de ce manque de connaissances, on maintient des routines d’étude et des pratiques peu recommandables. On ne remet pas en question les aspects les plus contradictoires de l’enseignement traditionnel.

De plus, on prête fréquemment attention au côté artistique tout en excluant l’aspect physique du jeu. Alors qu’en fait, les deux aspects doivent être liés.

Beaucoup de gens ne savent pas que quand on parle de blessures, ce ne sont pas seulement des maux et des douleurs. Ces troubles, à défaut de traitement, peuvent mettre fin à la carrière d’un musicien et même lui faire perdre partiellement ou complètement l’utilisation du membre concerné. Et tout cela, sans même prendre en compte les dommages émotionnels et psychologiques que cela implique.

Néanmoins, il y a eu une prise de conscience importante au cours des dernières décennies dont nous pouvons être reconnaissants. Aujourd’hui les blessures sont un problème reconnu, qui peut être résolu s’il est traité à temps. Mais il n’en a pas toujours été ainsi.

Les progrès réalisés dans la reconnaissance des blessures

Dans les années 60 et 70, très peu de gens avaient entendu parler des blessures de musiciens. Le fait qu’un musicien pouvait être blessé en jouant de son instrument était une idée assez controversée.

C’était une mauvaise époque pour surmonter une blessure. Il n’y avait pas d’information disponible sur le sujet, ni des médecins qui comprennent la nature du problème. Les musiciens qui en souffraient le maintenaient secret.

Jusqu’à ce que deux pianistes changent la façon de voir les choses en rendant public leur situation :

Leon Fleisher
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Leon Fleisher

En 1964, le pianiste Leon Fleisher qui avait alors 36 ans perdit mystérieusement l’usage des doigts 4 et 5 de la main droite sur une période de dix mois. Les médecins qu’il avait été voir n’ont trouvé aucune solution. Cela l’a forcé à abandonner sa carrière de concertiste.

Dans un premier temps, il n’en a pas beaucoup parlé publiquement, malgré le fait qu’il ne cachait pas sa situation. Fatigué d’entendre que le problème était dans sa tête et pas dans ses mains, et sans espoir de jouer à nouveau, il est tombé dans une profonde dépression.

La perte de la capacité à jouer est un traumatisme d’une grande importance pour la vie de tout musicien. Fleisher l’a exprimé ainsi:

“Quand les dieux veulent vous avoir, ils savent où frapper: à l’endroit qui vous fera le plus de mal”.

Gary Graffman

En 1979, un autre pianiste célèbre, Gary Graffman, qui avait alors 51 ans, a également été obligé d’abandonner sa carrière de concertiste. La raison était la perte progressive de sa capacité à jouer avec sa main droite.

Comme il l’explique, 12 ans plus tôt il a eu un incident qui pourrait être le déclencheur. Il était en train de répéter le Concerto n° 1 de Tchaïkovski avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin. L’instrument sur lequel il jouait était si pauvre de sonorité, que de colère il frappa l’instrument, provoquant une foulure à son quatrième doigt. Après le concert il prit quelques semaines pour récupérer, mais après cette période il avait encore mal. Il changea alors les doigtés de tous les octaves pour les jouer avec les doigts 1-3, en repliant les doigts 4 et 5 à l’intérieur de la main. Cela a donné une force supplémentaire à ses octaves. Et comme ça fonctionnait très bien, il a continué à le faire systématiquement.

Il raconte qu’il n’avait jamais réfléchi à sa façon de jouer du piano avant que son problème apparaisse. Ce n’est qu’après analyse de ses mouvements qu’il se rendit compte qu’il faisait quelque chose de bizarre avec sa main, et ce depuis longtemps.

Contrairement à Fleisher qui n’en a pas beaucoup parlé, Graffman a crié ses problèmes aux quatre vents.

En 1981 est sorti un article dans le magazine New York Times intitulé « When a Pianist’s Fingers Fail To Obey » (Quand les doigts d’un pianiste ne parviennent pas à obéir). C’est une interview dans laquelle la blessure de Graffman est décrite en détail, avec quelques données sur Fleisher et en parlant aussi des problèmes subis par Robert Schumann. Ce fut le premier article écrit dans une publication générale qui a abordé la question en profondeur.

Le monde entier a réagi. La communauté des musiciens a commencé à en parler. Et ceux qui passaient par des problèmes similaires, mais les gardaient cachés ont commencé à découvrir qu’en fait ces troubles étaient assez répandus.

Dans les années qui ont suivi, ils ont reçu le nom que l’on connaît aujourd’hui: les troubles musculo-squelettiques ou les troubles de mouvements répétitifs. Ils ont été reconnus comme des maladies professionnelles. En 1982 a émergé aux Etats Unis dans la spécialité médicale « La Médecine des musiciens », totalement distincte de la « Médecine du sport » ou d’autres formes de réadaptation et de physiothérapie.

A partir de ce moment, il a été largement admis que le fait de forcer le corps à faire un type de mouvements répétitifs non coordonnés peut provoquer un dysfonctionnement et des conséquences graves si on ne fait pas attention.

En 1986 est sorti le premier numéro du magazine américain «Medical Problems of Performing Artists », avec l’article de Gary Graffman « Doctor, can you lend an ear? » (Docteur, puis-je avoir votre attention?). Dans cet article, Graffman se lamente que dans sa recherche d’une solution il a été voir 18 médecins et a reçu 18 diagnostics différents. Il a également exprimé son espoir d’un avenir avec un regard plus ouvert à ces conditions.

Aujourd’hui, il y a des médecins spécialisés qui peuvent traiter une blessure de manière très efficace pour la guérir le plus tôt possible. Il y a aussi des professeurs spécialisés qui peuvent rééduquer les mouvements spécifiques nécessaires pour jouer du piano qui correspondent à une technique saine.

La liste des pianistes célèbres qui ont été blessés est longue: En plus de Gary Graffman et Leon Fleisher on retrouve aussi Wanda Landowska, Artur Schnabel, Ignace Paderewski, Alexander Scriabin, Ignaz Friedman, Sergei Rachmaninoff, Clara et Robert Schumann, Glenn Gould, Michel Beroff et Richard Goode.

Le message de Lang Lang était l’excuse parfaite pour parler de tout cela.

Merci à Lang Lang d’avoir contribué ouvertement à la sensibilisation et la normalisation des blessures des musiciens.

Bonne chance pour votre rétablissement et votre carrière!

Références :

Dunning, J. (1981). “When a Pianist’s Fingers Fail To Obey”. The New York Times. From: http://www.nytimes.com/1981/06/14/arts/when-a-pianist-s-fingers-fail-to-obey.html?pagewanted=all

Graffman, G. (1986). “Doctor, can you lend an ear?”. Medical Problems of Performing. Artists, 1, 3-6. From: https://www.sciandmed.com/mppa/journalviewer.aspx?issue=1153&article=1520&action=1

Mark, T. (2004). “What Every Pianist Needs To Know About The Body”. (A manual for players of keyboard instruments: piano, organ, digital keyboard, harpsichord, clavichord). Chicago, GIA Publications.

Midgette, A., Fleisher, L. (2010). “In Leon Fleisher’s book, ‘My Nine Lives,’ a pianist faces a crippling nightmare”. The Washington Post. From:  http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/11/24/AR2010112404224.html

Milanovic, T. (2011). “Healthy virtuosity with the Taubman Approach”. 10th Australasian Piano Pedagogy Conference Proceedings. From: http://www.appca.com.au/pdf/papers2011/Milanovic%202011%20APPC,%20Healthy%20Virtuosity%20with%20the%20Taubman%20Approach.pdf

Pascarelli, E., Quilter D. (1994). « Repetitive Strain Injury: A Compter User’s Guide ». Wiley (February 15, 1994).

PBS NewsHour. (2011). “Piano Virtuoso Fleisher on Overcoming Disability That Nearly Silenced Career”. PBS NewsHour’s Channel. From: https://www.youtube.com/watch?v=FZLvhZvO2v4

Taylor, David A. (1999). “Paderewski’s Piano”. Smithsonian Magazine. From: http://www.smithsonianmag.com/arts-culture/paderewskis-piano-164445847/

L’Approche Taubman de la technique du piano (par Therese Milanovic)

Prelude

Peu après mon 18e anniversaire, on a diagnostiqué une tendinite de Quervain dans mon pouce droit durant ma première année d’études au Conservatoire de Queensland, à l’Université Griffith. Les six semaines sans pratique prescrites m’ont paru durer une éternité. J’étais loin de soupçonner qu’il y aurait encore neuf ans de lutte à venir et que je trouverais les solutions à mes problèmes de l’autre côté du monde.

Cherchant tous les traitements possibles pour ma douleur récurrente, j’ai pris des médicaments anti-inflammatoires, j’ai eu une injection de cortisone, puis une chirurgie, d’innombrables séances de physiothérapie, d’acupuncture, d’hypno thérapie, de Reiki, d’hypnose, et de massage. D’une certaine manière je me suis battue à travers mes études de Licence. Je fus obligé de dicter ma thèse car écrire au clavier m’était douloureux; la préparation pour mon récital final fut principalement de la pratique mentale. Après quatre années supplémentaires de repos forcé au piano après avoir terminé ma Licence, il est devenu clair que je devais envisager une occupation alternative.

Puis j’ai entendu parler de l’approche Taubman par un collègue étudiant aux États-Unis. Pour donner une dernière chance à ma vie en tant que musicien, j’ai assisté en 2003 à deux cours intensifs Taubman aux États-Unis et en Italie, avec dans ma poche de l’argent emprunté et le rêve de jouer à nouveau du piano. Durant ce mois, pendant environ sept heures de cours individuels avec la professeure Taubman Teresa (Terry) Dybvig, les difficultés techniques qui avaient causé mes problèmes ont été diagnostiquées et remplacées par des mouvements sains.

Avec le recul, je suis arrivée en 2003 avec des doigts isolés et recroquevillés qui agrippaient et serraient le fond de la touche. Je tordais les poignets, j’étirais les doigts et je m’asseyais bas. En conséquence, mes bras se soulevaient pour compenser, et mes poignets étaient affaissés. Ma «musicalité» et mon «expressivité» étaient intrinsèquement liées aux gestes de l’épaule, du bras et du coude, ce qui créait de la douleur tout autour de mes épaules.

Trouver la liberté au piano fut bouleversante, même sur quelques notes jouées avec la chute. Être équilibrée dans la touche avec le doigt, la main et le bras paisiblement alignés me fit monter les larmes aux yeux. La «sensation de ne pas avoir de sensation» a été déchirante. Accompagnant mon excitation, je me sentais coupable de «trahir» mon ancien professeur en adoptant une nouvelle façon d’aborder le piano qui contredisait souvent les instructions précédentes. Ce fut également pénible de découvrir que ce que j’avais travaillé si dur à cultiver dans mon jeu était directement responsable de ma blessure.

Naturellement, il me restait beaucoup à apprendre après un mois de formation Taubman en immersion. Cependant, après avoir eu la sensation d’être entre deux mondes pianistiques pendant six mois, ce que j’avais appris aux Etats-Unis s’installa dans mon jeu. A partir de ce moment, mon jeu et mes qualités pédagogiques n’ont pas cessé de s’améliorer. J’ai terminé ma Maîtrise en interprétation et commencé à bâtir une solide réputation comme interprète, attirant des élèves de haut niveau et plus tard, un poste d’enseignant à la Young Conservatorium Griffith University à Brisbane, en Australie.

En Juillet 2007, je suis retournée aux États-Unis pour un autre mois intensif de symposia. Mes cours avec Edna Golandsky sont allés au-delà de ma compréhension initiale de l’Approche Taubman, ont ouvert mon jeu et mon enseignement à de nouveaux niveaux de sécurité, de couleur, de virtuosité et d’inspiration. Après deux années de planification, je me suis rendu à New York en Avril 2009 pour entreprendre un programme condensé afin d’obtenir la certification en tant que professeur Taubman, ce qui a constitué le travail de terrain pour ce projet de recherche.

Avance rapide jusqu’en 2014. Après de nombreux voyages aux États-Unis et des cours réguliers sur Skype, je suis maintenant au niveau Associate Faculty avec l’Institut Golandsky. Mon rêve d’être en mesure de former des enseignants australiens en Australie vers la certification Taubman est maintenant une réalité.

Je manque de superlatifs pour résumer ma formation Taubman. Mes mains ne se sont jamais senties aussi bien. Lorsque j’approfondis ma compréhension de l’approche Taubman, il en va de même pour ma compréhension de la relation indivisible entre l’art et le savoir-faire physique, qui permettent de faire de la musique de manière convaincante. L’Approche Taubman a complètement transformé mes façons de jouer et d’enseigner.

Brève Introduction à l’Approche Taubman

Contexte

Malgré les progrès de l’analyse biomécanique au cours du dernier siècle, les connaissances techniques sur la façon de jouer l’instrument ont été transmises à travers les générations sans véritable remise en question. Les pédagogues enseignent souvent de la même manière dont on leur a enseigné, et de la même manière dont leurs enseignants eux-même ont appris, en développant leur propre approche par essais et erreurs. Ces attitudes pédagogiques sont le résultat d’une tendance à analyser la technique du piano en se basant principalement la perception visuelle du jeu, avec peu de compréhension des principes anatomiques et biomécaniques sous-jacents. Comme Taubman l’a indiqué, «Nous avons une tradition du ouï-dire … Dans notre profession, l’étude scientifique a été minime, et même ce petit peu a été fréquemment négligé». L’approche analytique du piano que Taubman a apportée était donc révolutionnaire pour son époque.

Origines

L’approche Taubman a été développée au cours de cinq décennies par la pédagogue basée à Brooklyn Dorothy Taubman (1918- 2013). Ce n’est pas une méthode, mais plutôt «une approche globale de la technique du piano qui permet un moyen ordonné et rationnel de résoudre les problèmes techniques. Non seulement cette approche a produit des pianistes virtuoses, mais elle a également obtenu un taux de réussite extraordinaire pour la réhabilitation des pianistes blessés, dont la plupart joue à nouveau».

A côté de développer «la maîtrise et la facilité» dans le jeu, l’approche Taubman offre des outils pour comprendre et enseigner «une expression artistique complète» en aidant les pianistes à atteindre leur « plus haut potentiel en tant qu’interprètes. »

Dans un premier temps, la motivation de Taubman était de découvrir les secrets de la technique virtuose pour aider les pianistes doués à réaliser leur potentiel. Elle a interrogé le «nombre effrayant» de pianistes dans la douleur, y compris des amateurs qui pratiquaient relativement peu. Taubman s’est demandé comment les enfants prodiges peuvent intuitivement jouer le répertoire virtuose avec les mains minuscules, et pourquoi ces dons sont souvent perdus dans la «transition du jeu intuitif au jeu conscient» à l’âge adulte. Elle a enquêté sur son propre jeu «naturel», et a examiné les dogmes pédagogiques traditionnels en étudiant l’anatomie, la physiologie, la physique et la construction du piano. Taubman a également étudié l’analyse scientifique révolutionnaire de la technique du piano d’Otto Ortmann.

De plus en plus, Taubman «a commencé à voir émerger toute une approche organisée». Taubman a initialement sous-estimé l’importance de sa découverte, estimant que «tout le monde connaissait la technique à part moi». Dans les années 1960, alors que la réputation de Taubman voyageait aux États-Unis, elle est devenue connue comme la professeure «underground» chez qui les pianistes venaient secrètement demander de l’aide. Parmi les éloges, des pianistes du calibre de Leon Fleisher, qui est cité comme disant : «Dorothy est absolument extraordinaire dans son intuition du moment où vous avez de la douleur, de l’endroit où quelque chose que vous faites est mal, et de comment vous pouvez vous en débarrasser».

Principes

Les principes de l’Approche Taubman ne sont pas nouveaux. L’innovation de Taubman a été de codifier explicitement les mouvements presque invisibles sous-jacents à une technique libre et fluide, ce que de nombreux virtuoses adoptent intuitivement. Cependant, comme le pianiste russe Feinberg a déclaré, «l’intuition parfois ne suffit pas, et nous devons recourir à l’analyse consciente afin de discerner le simple à l’intérieur du complexe». Ainsi, Taubman construit une approche pédagogique systématique pour développer la coordination des mouvements, à travers un processus de «complexité qui conduit à la simplicité».

Le principe fondamental de l’approche Taubman soutient que «les doigts, la main et le bras fonctionnent toujours comme une unité synchronisée, avec chaque partie faisant ce qu’elle fait le mieux». Lorsque ce principe est examiné en détail, trois autres règles émergent:

  1. Le mouvement coordonné «permet aux articulations concernées d’agir au plus près du milieu de leur gamme d’action que possible». Ainsi, Ortmann a découvert que cela produit «un minimum de fatigue» et «une précision maximale du jugement kinesthésique». La tension augmente à mesure que le mouvement se rapproche des extrêmes.
  2. Dans le mouvement coordonné, chaque partie doit agir «au meilleur de son avantage mécanique». Par exemple, l’avant-bras déclenche le mouvement puisque le bras supérieur, plus large, est incapable de la vitesse de l’avant-bras.
  3. Le mouvement coordonné nécessite un effort minimum pour un résultat maximum, ce qui crée de la précision et de la liberté.

Contributions

L’une des principales contributions de Taubman fut d’attirer l’attention sur l’existence de troubles musculo-squelettiques liés au jeu et d’analyser leurs causes physiques liées au jeu à la fin des années 1960, bien avant que le grand public y soit sensibilisé dans les années 1980. Taubman a également constaté que le mouvement coordonné est thérapeutique, qu’il minimise ou soulage les problèmes. En développant un usage plus coordonné, les pianistes blessés non seulement ont surmonté leurs problèmes, mais ont également joué à un niveau plus élevé que celui précédant la blessure. Ceux qui n’ont jamais été blessés ont acquis un tout autre niveau de facilité. En outre, Taubman a découvert que «c’est le mouvement correct qui produit une technique remarquable, pas le développement musculaire». Taubman a également souligné le plaisir physique du jeu bien coordonné. Elle pensait que «si la sensation de jouer du piano n’est pas délicieuse et euphorique, vous faites quelque chose de mal».

Une des autres révélations de Taubman était que «la relaxation est le résultat, non la cause, du jeu correct». La relaxation excessive est lourde, ce qui rend la vélocité difficile. La relaxation peut aussi provoquer des tensions ailleurs, puisque plus d’énergie est nécessaire pour initier le mouvement, et que d’autres parties travaillent plus durement. Taubman préconisait un mouvement stimulant et fluide, à mi-chemin entre tension et relaxation.

Une prémisse sous-jacente à la pédagogie Taubman est que tous les problèmes techniques peuvent être résolus grâce à un diagnostic efficace, plutôt que par plus de pratique. Les problèmes des élèves sont dus à un manque de connaissances, plutôt que d’un manque de talent. Comme l’a dit Taubman, «Nous parlons de personnes dévouées, sérieuses et douées. Elles ne devraient avoir aucune raison de ne pas pouvoir faire ce qu’elles veulent faire».

(Extrait de Learning and Teaching Healthy Piano Technique: Training as an Instructor in the Taubman Approach. Disponible via www.theresemilanovic.com.)

Comment en savoir plus ?

Les outils et les idées de Dorothy Taubman sont accessibles à tout le monde. Les vidéos sont disponibles en ligne via www.golandskyinstitute.org et www.ednagolandsky.com. Bien qu’il n’y ait pas de substitut à des cours en personne, on peut accomplir beaucoup sur Skype.

Vous pouvez visiter www.theresemilanovic.com pour lire des articles sur l’apprentissage et l’enseignement de l’approche Taubman, les performances à venir et les ateliers Taubman en l’Australie.

Therese-MilanovicEcrit par:

Therese Milanovic

Therese est professeure de piano, concertiste et membre Associée de la Faculté de l’Institut Golandsky.