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Position des doigts sur le piano: Arrondir les doigts vs Maintenir la forme naturelle

La position des doigts est un élément très important pour une technique de piano naturelle.

Dans cette vidéo, Edna Golandsky souligne les différences entre jouer en arrondissant les doigts, ce qui est une mauvaise habitude; et jouer en maintenant la courbure naturelle, qui est la manière la plus correcte et la plus saine d’actionner les doigts.

Si nous laissons les bras reposer de chaque côté du corps, nous verrons que les doigts acquièrent une légère courbure. C’est la courbure naturelle dont je parle. Aucun muscle n’est activé pour maintenir cette position, c’est donc une position neutre pour les doigts.

Lorsque les doigts sont arrondis, une courbure plus prononcée est adoptée. Les phalanges des doigts se courbent vers l’intérieur de la main, en particulier la phalangette (celle de l’ongle).

Doigts arrondis

Doigts arrondis.

courbure naturelle

Doigts maintenant la courbure naturelle

Distinguer le mouvement libre du restrictif

Eduquer le sens kinesthésique est aussi important pour un musicien que d’avoir une oreille bien entraînée et à l’écoute, puisque le musicien utilise son corps et le mouvement pour créer de la musique. C’est pourquoi il est fondamental que l’élève apprenne à distinguer par lui-même la qualité du mouvement basé sur ses propres sensations.

Dans ce cas, nous allons expérimenter avec les deux situations décrites dans la vidéo.

Tout d’abord on va déplacer les doigts vers le haut et vers le bas rapidement… Mais d’abord, une petite précision: il est nécessaire que le mouvement se fasse à partir de l’articulation métacarpo-phalangienne (qui est à l’intersection des doigts et de la main) et de rester dans l’amplitude moyenne de l’articulation (toujours éviter les amplitudes extrêmes où le mouvement est plus difficile).

Ceci étant dit, quand nous bougeons nos doigts de haut en bas comme décrit, le mouvement est confortable et libre si nous les gardons avec leur courbure naturelle.

Mais si nous bougeons les doigts en les pliant dans les mêmes circonstances, nous verrons tout de suite que le mouvement est plus laborieux et plus restrictif en comparaison.

La même chose se produit lorsque vous déplacez votre main de haut en bas rapidement en gardant vos doigts arrondis, puis libres. La différence est facile à percevoir.

Pour comprendre ce qui se passe dans chaque cas, il est important de connaître quelques notions d’anatomie.

Où sont les muscles qui bougent les doigts ?

Les muscles qui bougent les doigts ne se trouvent pas dans les doigts, et pour cause: Il n’y a pas de muscles dans les doigts. Ils sont dans la main et l’avant-bras.

Dans la main:

Dans la main, on trouve les muscles lombricaux et interosseux qui fléchissent la première phalange des doigts au niveau de l’articulation de la main (articulation métacarpo-phalangienne). C’est le groupe musculaire le plus approprié pour actionner les doigts sur le piano.

Dans l’avant-bras:

Dans la face antérieure de l’avant-bras, on peut trouver les muscles fléchisseurs superficiels et fléchisseurs  profonds, qui plient respectivement les deuxièmes et troisièmes phalanges (aussi appelée phalangettes). Leurs rôle est de servir à arrondir les doigts. Ces muscles courbent les doigts de la même manière qu’un cordon enroule un volet roulant. Ils passent par le poignet et la main pour atteindre les doigts, les postures déviées de la main peuvent donc provoquer des frictions et les irriter.

On trouve également le muscle extenseur des doigts dans l’avant-bras, mais dans la face postérieure. Il fait l’extension des doigts à partir de l’articulation métacarpo-phalangienne.

Ainsi, de chaque côté de l’avant-bras, il y a des groupes musculaires avec des fonctions opposées: muscles fléchisseurs dans la face antérieure et extenseurs dans la face postérieure. Pour qu’un groupe de muscles fonctionne efficacement, le groupe opposé doit être libéré pour permettre ce mouvement. Et s’il n’est pas libéré et que les deux groupes musculaires sont actifs, ils travaillent l’un contre l’autre en produisant une tension statique ou isométrique dans l’avant-bras.

Alors, quel est le problème ?

En fait, le problème ne vient pas du fait d’arrondir les doigts, mais de les garder arrondis en libérant la touche. Après l’attaque, les doigts reviennent à leur position en activant les muscles extenseurs des doigts qui sont dans l’avant-bras. Mais si pendant la libération le doigt reste arrondi, il ajoute à cette activité musculaire celle des fléchisseurs, situés également dans l’avant-bras. Nous avons alors les deux groupes opposés qui travaillent simultanément.

Curieusement, malgré tout ce que je viens de dire, arrondir les doigts en jouant n’est pas nécessairement nuisible si le doigt est correctement libéré dans sa forme naturelle. Beaucoup de pianistes le font. Le problème se pose lorsque les doigts ont tendance à s’arrondir de façon persistante ou lorsqu’ils restent constamment arrondis pour jouer. Dans ce cas, on utilise une tension inutile, le mouvement devient nocif et peut causer des blessures.

Quelques facteurs importants qui induisent à jouer avec les doigts arrondis:

  • Commencer à partir d’une position avec les doigts arrondis. (De nos jours la position des doigts arrondis est encore très utilisée. Certaines méthodes favorisent cette position par exemple en demandant à l’étudiant d’imaginer une balle dans la main, mais cela peut conduire à l’acquisition de cette mauvaise habitude).
  • Essayer d’éviter la zone des touches noires avec de longs doigts, en particulier le troisième doigt.
  • L’absence de mouvements « en tiroirs » de bras dans la technique.

Avec l’approche Taubman, les pianistes apprennent à libérer correctement les doigts et acquièrent la technique nécessaire pour jouer, tout en gardant les doigts dans leur courbure naturelle à tout moment. Cela favorise une grande fluidité et liberté de mouvement.

(S’il vous plaît activez les sous-titres en français s’ils ne sont pas affichés par défaut).

Références:

Golandsky E. The Golandsky Institute. (2008). “Finger Use Curling versus Curving – an excerpt from the Taubman 10 DVD Series”. From: https://www.youtube.com/watch?v=_ydx84Sp1rc

Mark, T. (2004). “What Every Pianist Needs To Know About The Body”. (A manual for players of keyboard instruments: piano, organ, digital keyboard, harpsichord, clavichord). Chicago, GIA Publications.

Taubman D. (1988). “A teacher’s perspective on musicians’ injuries”, in Roehmann F. L., Wilson F.R., (editors) “The Biology of Music Making”,: MMB Music, pp. 144-153, (St. Louis, 1988).