À propos de l’apprentissage

Le Défi des 40 Morceaux

Le Défi des 40 Morceaux

L’enseignement du piano traditionnel a compté principalement sur le choix d’un répertoire d’environ deux, trois ou quatre morceaux par trimestre et sur l’amélioration artistique et technique pendant ce temps.

Une fois ces trois morceaux maitrisés, on en commence d’autres plus difficiles, trimestre après trimestre et année après année. Il en résulte que l’étudiant prépare au mieux environ 10 pièces par an.

La difficulté du répertoire monte trop vite d’une pièce à l’autre car il est évident que si vous voulez qu’un de vos élèves prépare un Nocturne de Chopin ou une sonate de Mozart dans sa huitième année d’études, par exemple, il aura vu seulement passer une soixantaine de morceaux dans sa vie et ne pourra pas se confronter à ces œuvres avec le bagage musical nécessaire.

Pour se confronter à ces pièces plus difficiles, il faut avoir joué un nombre infiniment plus grand d’œuvres de styles différents, d’écritures variées, dans toutes les tonalités possibles et de caractères divers. Et on ne peut pas réussir cela avec 60 morceaux!

En fait, ces élèves (moi et mes amis collègues ont étudié de cette façon) luttent avec les œuvres et ne parviennent jamais ni à les maitriser, ni à les comprendre, car quand ils commencent à bien les jouer il faut déjà passer au morceau suivant.

Dans mon cas, quand j’étais étudiant, si j’allais à la maison d’un ami et il y avait un piano on me disait : Juan, joue quelque chose que tu joues à coup sûr merveilleusement après 5 ans de piano, ce à quoi je devais répondre Aïe, je n’en connais aucune actuellement, dans un mois on verra si je suis prêt.  Mais ensuite arrivait le mois suivant, je changeais de morceau et je ne pouvais jouer ni l’ancien ni le nouveau, ce qui était très frustrant.

Pourquoi est-il important de jouer un grand nombre d’œuvres ?

Plus un élève joue un nombre élevé d’œuvres, plus il sera préparé. Tout le monde est d’accord avec ça. Le problème est que pour réussir, on doit descendre un peu le niveau du répertoire car l’élève ne sera pas en mesure de jouer un grand nombre de morceaux s’ils sont trop compliqués pour lui.

Et c’est là où réside le conflit, il y a des professeurs qui préfèrent augmenter le niveau des morceaux rapidement et sacrifier la quantité de morceaux à préparer pour l’élève. Je pense que c’est une erreur. Cela peut fonctionner, mais seulement avec un petit pourcentage d’élèves.

Étudier de nombreux morceaux permettra d’améliorer la motivation des élèves, la capacité de la mémoire, la lecture, la technique et la compréhension musicale. A mon avis et selon mon expérience, il n’y a pas de point négatif. J’ai essayé d’appliquer ces idées avec mes élèves ces deux dernières années et les résultats ont été spectaculaires.

De plus, comme dit la pédagogue Julie Knerr, un élève très jeune n’a pas la préparation ou la concentration pour préparer et travailler trois morceaux correctement. Donc, si sa tâche hebdomadaire est de travailler trois morceaux, il passera 2 ou 3 minutes avec chacun avec de la chance, ce qui fait un total d’environ 8 minutes de travail. Si vous lui donnez sept morceaux, il travaillera chaque morceau environ 2 ou 3 minutes chacun, mais vu qu’il y a plus de pièces l’élève restera assis au piano deux fois plus longtemps. Plus un élève passe du temps au piano, plus il va apprendre.

En outre, comme dit Elissa Milne, si un élève a passé 10 ans à jouer 6 à 8 pièces par an il aura passé plusieurs examens et plusieurs cycles. Mais s’il laisse tomber le piano parce qu’il veut se consacrer à quelque chose d’autre, il ne pourra probablement plus jouer, il aura du mal à travailler des morceaux pour lui-même et aura des difficultés à trouver stimulation dans la pratique du piano.

Mon objectif principal avec mes élèves n’est pas de réussir qu’ils se consacrent à la musique (cela se produit très rarement) mais qu’ils puissent inclure le piano dans leur vie de façon permanente et qu’ils puissent le faire sans trop de difficulté; que ce soit pour jouer avec un ami, pour jouer un morceau classique qu’ils apprécient, la musique d’un film ou d’un groupe qui leur fait envie.

Combien de personnes ont arrêté le piano après 8 années d’études et ont complètement abandonné? Si l’élève avait pratiqué 40 morceaux par an pendant ces huit années, au total ça en ferait 320, ce qui est un bagage plus que suffisant pour se confronter sans problème à un large répertoire.

Le Défi de 40 Morceaux, qu’est-ce que c’est ?

En recherchent sur Internet, j’ai vu qu’il y avait d’autres professeurs qui pensent la même chose que moi et qui avaient déjà développé l’idée ! Voilà comment je suis arrivé à découvrir Le Défi des 40 Morceaux, 40 Pieces Challenge en anglais.

L’idée est née en 2001 de la compositrice et pédagogue australienne Elissa Milne. Vous pouvez lire en suivant ce lien comment l’idée lui est venue et aussi garder un oeil sur son blog très intéressant dont j’ai déjà parlé dans d’autres articles: elissamilne.wordpress.com.

Cet article explique comment elle trouvé une préface à un livre d’études de piano en 1850 qui disait plus ou moins ceci:

Comment est-il possible que les élèves peuvent obtenir une grande variété de compétences techniques et musicales, s’ils apprennent seulement 6 pièces par an? Nos étudiants doivent étudier beaucoup plus que 6 morceaux, au moins 40 par an, s’ils veulent avoir un jour l’espoir de maîtriser leur instrument.

Evidemment, ni Elissa Milne, ni cet homme du XIXe siècle, ni moi-même ne sommes les seuls qui ont cette opinion. Ce qu’a fait Elissa Milne est de l’institutionnaliser en Australie, où ils ont même publié des livres de 30 pièces, tous progressifs et ordonnés par niveaux pour pouvoir mettre cette idée en œuvre avec les élèves plus facilement.

Le phénomène s’est propagé rapidement dans toute l’Australie et depuis quelques années dans le monde entier. Il est appliqué dans d’innombrables pays. Il suffit de mettre dans Google 40 piece challenge et il sort des centaines d’articles à ce sujet. En français on peut appeler ça Le Défi des 40 Morceaux.

Dans la continuation de ce défi, il y a aussi le défi des 30 et des 50 morceaux. Certains professeurs utilisent l’un ou l’autre, mais l’objet et le but est le même: Amener les élèves à jouer autant de pièces que possible pour améliorer toutes leurs compétences techniques, la compréhension, la lecture, l’interprétation et la mémoire.

Comment commencer à l’appliquer ?

Comme le dit Elissa Milne dans son article ou comme on peut le voir dans ce document de la ACT Keyboard Association au sujet du défi, vous ne pouvez pas mettre un élève qui jouait 9 pièces par an à étudier subitement 40 pièces du même niveau.

Si, par exemple, vous avez un élève d’un niveau de quatrième année de piano, il peut jouer 4 morceaux de ce niveau, 8 d’un niveau précédent et compléter avec des morceaux beaucoup plus faciles jusque 40. Le nombre de morceaux par an équivaut à un nouveau morceau par semaine, ça fait beaucoup, il est donc préférable de combiner des morceaux de différents niveaux pour atteindre au 40.

L’élève devra combiner dans son programme des morceaux de différents niveaux, dont beaucoup devront être effectués en une semaine. Mais même avec les morceaux les plus faciles, il faut atteindre un bon niveau d’interprétation. Il ne suffit pas de simplement les lire, il faut aussi les jouer avec un degré suffisant de perfection, en fonction de la capacité de chacun.

Quel répertoire utiliser ?

Il est recommandé que les élèves aient des livres avec de nombreux morceaux de répertoire qu’ils peuvent interpréter en fonction de leur niveau. Plus tard, je vais poster une liste de livres par niveau qui s’adapte bien au défi des 40 morceaux.

On privilégiera les morceaux courts et variés qui ne sont pas trop difficiles à lire mais sont riches musicalement. La plupart des livres dont j’ai déjà discuté dans d’autres articles sont bien adaptés au défi: Préludes dans un style romantique de Gillock, la série Accent on Gillock du même auteur, Les Petites Images et Les Petites Impressions de Jennifer Linn, la série Little Peppers de Elissa Milne, des méthodes telles que Piano Adventures, les livres de Paul Sheftel, Christopher Norton, Mike Cornick ou mon livre, Les voyages du Piano-Train (Piano Train Trips), conçu avec l’idée de fournir à l’étudiant des morceaux de styles différents et facilement assimilables.

Comment vais-je commencer à mettre en œuvre le défi ?

Durant le cours qui commence en Septembre, je vais essayer de mener à bien le défi avec tous mes élèves avec 30 pièces. J’ai vu que beaucoup d’autres professeurs commencent comme ça. Ainsi, si vous êtes l’un de mes élèves ou l’élève d’un professeur qui mettra également en œuvre ce défi, vous pouvez commencer à pratiquer dès maintenant !

En plus de commencer le défi avec mes élèves, j’ai lu que beaucoup de professeurs font le défi en même temps que leurs étudiants, ou peut être que c’est moi qui ai envie de le faire.

J’espère aussi avoir le temps de faire un modèle de contrôle pour voir les progrès des élèves et les motiver davantage, dans lequel apparaît le numéro du morceau qu’ils doivent apprendre. Si je n’ai pas le temps, je vais utiliser un des modèles qui circulent sur internet. A toute personne qui fait le défi, je vous souhaite bonne chance. Ça en vaut la peine.

(Traduction de l’article : El reto de las 40 piezas).

 

Juan CabezaEcrit par:

Juan Cabeza

Juan est un pianiste, professeur de piano et compositeur connu internationalement. En tant que pédagogue, il est spécialisé dans l’enseignement pour les enfants dans leurs premières années d’apprentissage du piano. Il est l’un des précurseurs de l’enseignement “by rote” en Espagne. Il est également un précurseur de l’apprentissage basé sur un répertoire très riche, en présentant Le Défi des 40 Morceaux. Il a composé Piano Train Trips, un livre avec des morceaux de piano et des exercices. Il a aussi composé la série de deux livres d’études Divertudios 1 et 2. Ses compositions ont une grande valeur pédagogique et peuvent être apprises “by rote”.

Un nouveau paradigme dans l’enseignement du piano: l’enseignement “by rote”

Introduction

Le terme anglais “by rote”  signifie apprendre quelque chose par pure répétition, mécaniquement, sans comprendre sa signification. Répétez comme un perroquet, allez-y. Cette traduction ne montre pas ce que signifie vraiment “by rote” dans la pédagogie du piano.

Enseigner “by rote” signifie apprendre une pièce en imitant le son et le mouvement, plutôt que de l’apprendre en lisant la partition. Mais cet apprentissage va bien plus loin que le fait de copier quelques gestes du professeur. C’est un travail d’exploration des éléments contenus dans la partition. L’élève comprend et incorpore les éléments rythmiques, mélodiques et tonals qui composent la pièce en même temps qu’il apprend à la jouer. De là, il est capable d’ajouter des éléments, d’improviser, de transposer ou de composer une autre pièce en fonction de ce qui a été appris.

Par conséquent, l’apprentissage “by rote” n’a rien de la répétition mécanique. Au contraire, il est possible ainsi de comprendre la musique de manière plus efficace que lorsqu’on apprend en lisant la partition.

Lire ou faire de la musique

Dans l’enseignement traditionnel, les méthodes de piano privilégient la lecture sur tout le reste. Dans l’enseignement “by rote”, l’accent est mis principalement sur le jeu.

C’est un moyen naturel d’apprendre, comme il est naturel pour un enfant d’apprendre à parler avant de lire et d’écrire.

La pianiste et pédagogue Frances Clark, précurseure de cette méthode, a dit: “le son avant le symbole”.

Des morceaux plus intéressantes

Récemment, une collègue d’un autre blog de piano a écrit que “les morceaux seront loin d’être enthousiasmants au début”. Ceci illustre bien l’état d’esprit de la plupart des professeurs.

Quand un étudiant arrive en classe, il a déjà été exposé à une grande variété de musique tout au long de sa vie. Cet élève peut comprendre et jouer de la musique plus complexe qu’il ne peut lire. C’est pourquoi les méthodes qui utilisent les positions de cinq notes ou le Do central restreignent sa capacité à faire de la musique.

Mais ce n’est pas une fatalité!

Je vous invite à regarder cette vidéo en exemple. Tous les morceaux montrés sont conçus pour être enseignés “by rote”. Ce sont des pièces plus attrayantes que celles d’autres méthodes plus traditionnelles. Elles couvrent l’ensemble de l’instrument, pas seulement le registre central. Elles comprennent des contrastes dynamiques, des textures variées, des pédales et des sonorités très intéressantes:

Pour mettre en œuvre ce type d’enseignement, il est essentiel d’avoir un répertoire de pièces aptes à enseigner “by rote” car toutes les pièces ne sont pas appropriées. Tenter d’enseigner de cette façon une pièce qui n’est pas adéquate et ne répond pas à certains critères peut se terminer par une catastrophe et beaucoup de frustration.

Et comment sont les pièces qui peuvent être apprises  “by rote”?

Les pièces écrites pour être enseignes “by rote” sont basées sur des patrons de touches et des notes musicales faciles à se rappeler sans connaissance théorique.

Ceci est un exemple de pièce qui peut être enseignée “by rote”, avec patrons de touches noir et blanc:


patron “by rote”

Le morceau de la vidéo est basé sur ce patron de touches blanches et noires.

Et ceci est un exemple extrême d’un morceau pour débutants qui ne peut pas être compris sans connaissance théorique en raison de la variété des mouvements des voix. On apprend donc à le jouer en lisant:

Czerny Op. 599 No. 1

C. Czerny Op. 599 No. 1

Enseigner le piano “by rote”

Les trois piliers fondamentaux de l’enseignement du piano sont: la lecture, la technique et le développement artistique et musical. Quelles sont les contributions que l’enseignement “by rote” offre en relation avec chacun de ces piliers?

Les notions musicales et artistiques sont mieux enseignées par l’imitation directe que par l’apprentissage via une partition. C’est parce que la musique est un art d’expression sonore, et donc transcende la notation.

L’enseignement par imitation facilite également la transmission et l’assimilation de la technique. Les gestes, le bon alignement, l’équilibre du bras, la bonne orientation au clavier, etc. s’apprennent mieux quand il n’y a pas à lire la partition en chemin.

Nous avons déjà vu que les morceaux qui peuvent être enseignés “by rote”  ont des sonorités intéressantes et complexes. Pour cette raison, ils offrent de nombreuses possibilités techniques et musicales pour explorer l’instrument dès les premiers contacts, ce qui fournit une formation très complète.

En outre, ce sont des morceaux relativement faciles à transposer vers d’autres tonalités, ce qui ouvre une importante voie d’exploration. Dans cette vidéo, un élève joue le même morceau dans 5 tonalités différentes:

L’élève peut même utiliser des patrons appris pour improviser ou composer ses propres morceaux. Dans cette vidéo, une élève a composé son propre morceau, qui est basé sur des patrons de quintes, pentacordes et accords:

À propos de la lecture

Les morceaux qui sont enseignés “by rote”  sont écrits de manière à être plus faciles à jouer qu’à lire pour l’élève qui les apprend. Ils ne se lisent pas note par note, mais en reconnaissant les patrons des notes dans la partition. Cette façon de procéder vient très naturellement dans la méthode de lecture par intervalles (dont je parlerai dans un autre article), qui a révolutionné l’enseignement de la lecture musicale depuis son apparition.

Par conséquent, l’enseignement “by rote”  doit être complété en même temps par une bonne acquisition de compétences en lecture musicale, de préférence selon une méthode de lecture par intervalles.

Ainsi, en enseignant “by rote”, jouer du piano et lire une partition sont deux capacités complètement différentes qui se retrouvent au final.

Si le professeur n’est pas convaincu de faire un tel changement dans son style d’enseignement et souhaite continuer à utiliser des méthodes avec des pièces traditionnelles dans ses cours, il est très enrichissant de compléter par des méthodes d’apprentissage “by rote”  ou des pièces individuelles.

Enseigner “by rote” de manière incorrecte

Un professeur qui utilise cette façon d’enseigner “by rote”  sans connaître toutes les informations présentées ici peut ne pas le faire correctement ou de la meilleure façon pour l’élève.

Peut-être que la plupart des professeurs ont eu l’expérience de travailler avec un élève transféré d’un autre professeur qui montre très peu de compétences en lecture. On devine alors qu’on lui a enseigné de cette façon (apprentissage par imitation et sans lecture).

Ensuite, la question se pose: est-ce que la mauvaise lecture est un résultat direct de l’enseignement “by rote”?

Non, ce n’est pas ça. La mauvaise lecture est le résultat d’une mauvaise gestion de l’enseignement, où on ne s’est pas concentré sur la capacité de lecture.

Nous ne devrions pas supposer qu’il n’existe que deux manières différentes d’enseigner: enseigner uniquement avec une partition ou uniquement “by rote”. Tout apprentissage “by rote” doit être combiné avec une méthode de lecture appropriée pour l’élève.

L’enseignement “by rote” n’est pas approprié pour les élèves avancés, pour qui il est plus facile de lire la partition simplement. Il vise les élèves débutants dans leurs deux ou trois premières années d’apprentissage du piano.

Comme je l’ai dit, vous ne pouvez pas utiliser n’importe quel morceau. Essayer d’enseigner “by rote”  un morceau qui n’est pas écrit à l’aide de patrons musicaux peut être une tâche très difficile et frustrante pour l’élève et le professeur.

L’apprentissage “by rote” n’est pas apprendre une partition sans la comprendre, en mémorisant simplement les patrons et les positions.

Par exemple, dans cette vidéo sont montrés deux morceaux qu’on peut faire apprendre à toute personne sans connaissance de la musique, dans une fête, en 5 minutes:

Dans ce contexte, il n’est pas question d’apprentissage significatif, mais simplement de s’amuser.

Mais si ces mêmes morceaux sont utilisés dans un cours de piano, l’idéal est de réaliser un travail d’exploration et de compréhension des différents éléments au moment où ils sont appris.

Les bénéfices

Lorsque l’enseignement “by rote”  est utilisé dans la phase correcte de l’apprentissage des élèves et avec un but clair, il est très enrichissant et apporte de nombreux bénéfices.

Voici 10 bénéfices importants de l’enseignement “by rote”:

  1. Augmente la motivation: les élèves jouent des pièces intéressantes dès le premier jour sans avoir à attendre pour acquérir d’autres connaissances.
  2. Améliore la concentration: les pièces enseignées “by rote” sont généralement des morceaux plus longs que des morceaux traditionnels. L’élève développe sa concentration en maintenant le rythme et l’attention du début à la fin.
  3. Augmente la confiance: à partir du premier jour, on construit un large répertoire qui est bien mémorisé. L’élève se sent plus prêt à jouer si on lui demande.
  4. Améliore la connaissance du clavier: lorsqu’on joue de nombreuses pièces avec des touches noires ou des combinaisons de touches en noir et blanc, les élèves connaissent bien le relief du clavier.
  5. Améliore la reconnaissance des patrons: les élèves apprennent à reconnaître les patrons et les dessins des notes et des intervalles, en plus de la structure de la pièce. Très utile pour la mémoire.
  6. Améliore le sens du rythme: les étudiants qui n’ont pas à lire la partition pour jouer peuvent se concentrer mieux sur le rythme. Ils sont plus disposés à ressentir la pulsation tout au long du morceau.
  7. Améliore la technique: lors de l’introduction d’un nouveau concept technique, il est plus facile pour l’élève de se concentrer sur ses gestes et les mouvements de ses doigts, de ses mains, lorsque lire la partition n’est pas une distraction.
  8. Améliore la lecture: il semble paradoxal que l’apprentissage “by rote” puisse aider les élèves à mieux lire, mais c’est le cas. Lorsque l’élève a l’habitude de jouer différents patrons, des dessins mélodiques, des accompagnements, l’élève a déjà la technique et les patrons dans ses mains. Il n’a donc pas à penser à tout en même temps et peut se concentrer sur la lecture.
  9. Développe la capacité artistique: les élèves apprennent à penser en phrases, à la langue de la musique et à donner un sens à ce qu’ils jouent.
  10. Développe la créativité: la motivation pour explorer la musique est étroitement liée à l’enseignement “by rote”. Les élèves ont à leur disposition une variété de modèles pour créer de la musique pour eux-mêmes. Ils arrivent en cours en disant qu’ils ont trouvé de nouvelles façons de jouer leurs morceaux. Après un certain temps, vous voyez une explosion de créativité, car ces modèles leur permettent de rendre la musique plus complexe et plus belle. Ceux qui apprennent seulement en lisant la partition composent ou improvisent rarement. Ils ne pensent pas que ce type d’expérimentation est une possibilité.

Aujourd’hui, je me suis centré sur l’explication des caractéristiques les plus importantes de l’enseignement “by rote” et sur ses avantages et bénéfices.

Dans les articles à venir, je montrerai comment trouver des morceaux qui peuvent être enseignés “by rote”  et je parlerai des méthodes et livres de piano qui suivent cette approche.

Références:

Knerr J., Fisher K. (2017). “Rote is not a four-letter word: The role of rote teaching in the development of reading, technique and artistry”. The Curious Piano Teachers’ webinar. 2/05/2017.

apprentissage linéaire

L’apprentissage n’est pas linéaire

Que signifie le fait que l’apprentissage n’est pas linéaire ?

Cela signifie essentiellement qu’il ne se produit pas toujours dans le même sens ni de manière uniforme.

Le plus curieux est que même si nous comprenons qu’il y a des hauts et des bas, d’une certaine façon nous continuons à avoir des attentes irréalistes sur la façon dont nous apprenons.

Ceci est dû au fait que nous stockons inconsciemment des croyances qui nous limitent. C’est un des obstacles psychologiques que je rencontre le plus souvent, à la fois dans mon expérience et celle de mes élèves.

Ces croyances varient pour chaque personne, mais fondamentalement elles sont toutes très similaires dans leur formulation. Par exemple, on pense souvent, «Je suis trop … pour apprendre certaines choses» où l’on peut remplacer les points de suspension par lent, maladroit, trop âgé, impatient, etc.

Nous pouvons également avoir des attentes irréalistes sur la façon dont nous apprenons. Par exemple, «j’ai beaucoup travaillé mais je ne fais pas de progrès, donc je ne suis pas bon pour cela», ou «plus j’essaye, plus je suis mauvais, je devrais abandonner».

Ce dernier est plus difficile à voir parce que cela implique qu’il y a une croyance derrière qui soutient que les résultats que nous obtenons sont soit définitifs, soit trop lents, mauvais, insuffisants, etc., de sorte que nous voyons les résultats négativement en comparaison avec nos attentes et nous nous jugeons par rapport à elles. Ceci est une autre limitation.

Les résultats sont tels qu’ils sont et nous fournissent toujours des informations précieuses. Mais plutôt que de s’enthousiasmer quand les choses vont bien et de nous dévaloriser quand nous ne recevons pas de bons résultats, il serait beaucoup plus productif de changer la façon dont nous voyons le processus d’apprentissage en nous ouvrant à comprendre comment il est en réalité.

Et comment est-il vraiment?

Avant d’aborder le sujet, il est important de comprendre que quand il y a un engagement dans l’apprentissage, la progression est inévitable. Toutefois, tout au long de ce processus on expérimente de multiples hauts et bas qui sont également inévitables. L’évolution graphique de ce processus est appelée courbe d’apprentissage.

Comme son nom l’indique, nous pourrions imaginer que cette courbe ressemble à ceci:

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Courbe d’apprentissage irréaliste

Ce qui ne constitue pas une bonne idée car nous créons des attentes irréalistes.

La réalité est beaucoup plus complexe et intéressante:

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Exemple d’une courbe d’apprentissage réelle

En connaissant ce processus, on peut éviter beaucoup de frustration.

Voici les éléments qui composent la courbe d’apprentissage:

Le plateau: C’est un temps avec peu de progression, mais à un niveau subconscient on intègre les éléments nécessaires pour passer au niveau suivant.

Le recul: Il se produit lors de l’abandon des vieilles habitudes, quand on n’a pas encore développé bien les nouvelles. Dans cette phase, on a le sentiment d’empirer malgré la pratique.

Le progrès: Il se produit lorsque le corps et l’esprit ont intégré avec succès les éléments travaillés et l’apprentissage donne ses fruits (Gelb, Buzan, 1994).

Nous allons maintenant voir ces phases un peu plus en profondeur:

Le plateau

Le plateau est la phase la plus commune de l’apprentissage et elle nécessite plus de temps pour se terminer. Lorsque nous y sommes, nous pouvons avoir le sentiment d’être coincé et ne réaliser aucun progrès, mais si nous regardons en arrière, nous voyons une évolution.

Les plateaux sont des moments très importants où l’apprentissage se passe à l’intérieur de nous. On crée des connexions neuronales nécessaires à la mise en œuvre de nouvelles fonctions. L’apprentissage est en train de se faire, bien que les résultats ne soient pas affichés.

C’est une phase délicate qui exige un effort actif, il est donc une bonne idée de s’auto-motiver pour continuer à travailler avec la même détermination, parce que nous savons qu’il y a une amélioration à venir.

Le recul

Un recul est l’un des moments les plus difficiles à faire face dans l’apprentissage. Nous avons tendance à perdre confiance en nous et en notre capacité. En dépit d’être une phase commune et inévitable, nous supposons que cela arrive juste pour nous et que si nous nous laissons emporter par notre négativité nous pourrions même arriver à vouloir jeter l’éponge.

Je préfère voir le recul comme une phase de grande valeur car elle nous donne l’occasion de nous  exercer au-delà de nos limites. Donc, je tiens à penser aux phases de recul comme des moments d’apprentissage très en profondeur.

Le paradoxe apparent de l’apprentissage en profondeur est qu’on peut être le plus ouvert à l’apprentissage seulement au moment précis où on le comprend le moins.

Cela devient clair lorsque nous nous rendons compte que tout apprentissage exige aussi de désapprendre, lâcher des concepts ou des idées fausses et préconçues au sujet de la question à laquelle nous travaillons; ou dans le cas d’une activité physique, abandonner des mouvements non coordonnés et d’autres actions superflues qui freinent la progression.

Dans les moments les plus difficiles, j’aime me rappeler d’un dicton que le grand musicien Kenny Werner applique très justement à la pratique du piano: “Don’t quit a day before the miracle happens” (n’abandonnez pas un jour avant le miracle se produise).

Bien que nous nous sentions mal à l’aise, les plateaux et les reculs sont des étapes normales et nécessaires dans le processus d’apprentissage.

Le progrès

Le progrès est une preuve visible qu’il existe des améliorations dans notre apprentissage. C’est la phase qui nécessite le moins d’effort de notre part, avec lequel nous pouvons nous amuser et dont nous profitons ouvertement. Elle se caractérise par une libération d’une partie de l’énergie que nous utilisions pour exercer une activité ou un processus, conduisant à une plus grande capacité à se concentrer sur autre chose.

Quand je parle à mes élèves à ce stade je leur rappelle habituellement l’anecdote du bambou japonais: quand une graine de cette plante est plantée, arrosée et entretenue régulièrement, rien ne se passe pour une longue période et un cultivateur inexpérimenté pourrait la prendre pour une graine infertile. Mais si on continue à l’arroser, sept ans passeront avant qu’elle ne bourgeonne enfin. Puis dans une période de six semaines à peine le bambou atteint 30 mètres de haut, ce qui en fait la plante avec la croissance la plus rapide de la planète. Au cours des sept premières années d’inactivité apparente, les racines qui ont permis cette croissance se sont développées. Il ne lui a donc fallu que six semaines pour se développer? Ou sept ans et six semaines?

Cette histoire nous aide à comprendre d’où vient la valeur que nous attachons aux résultats dans l’ensemble du processus d’apprentissage.

Se confier, se relaxer et profiter

Une fois que nous sommes devenus familiers avec les étapes de l’apprentissage, il est plus facile de faire confiance au processus. Nous pouvons le vivre de manière plus détendue et profiter de chaque étape, redécouvrir le plaisir d’apprendre.

Nous ne devons pas être des marionnettes d’émotions contre les hauts et les bas dont nous faisons l’expérience. Nous continuons d’avoir des hauts et des bas, mais nous le verrons avec plus de recul, sans identification, sans souffrance.

Pour ces raisons, la confiance est la clé.

Faire confiance au processus est équivalent à avoir confiance en nous-même et en notre capacité à apprendre. C’est la seule manière de nous investir sincèrement dans la matière que nous travaillons et oublier les résultats.

On peut appeler cela apprendre à apprendre.

Le processus d’apprentissage peut être lui-même la source de beaucoup de plaisir si vous le vivez de cette façon.

Références :

Gelb, M. J. & Buzan T. (1994). « Lessons from the art of juggling. How to achieve your full potential in business, learning, and life ». Harmony Books. New York.